Le Consortium international de journalistes d’investigation (ICIJ), en partenariat avec le journal américain Buzzfeed et 108 médias internationaux situés dans 88 États différents, a initié une enquête pointant du doigt la validation par certains géants bancaires de plusieurs milliards de dollars de transactions suspectes. Buzzfeed explique ainsi que ces grandes banques ont profité d’activités réalisées par des terroristes, des trafiquants d’armes et de drogue et d’autres criminels internationaux pour s’enrichir au détriment du gouvernement américain.
Rôle et limites de FinCEN
L’enquête est intitulée « FinCEN Files », du nom de l’unité de renseignement du département du Trésor américain FinCEN – pour Financial Crimes Enforcement Network – chargée de lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. FinCEN ne peut toutefois contraindre les banques à mettre un terme au blanchiment d’argent.
Principales révélations de l’enquête
Banques impliquées et récidives
Le Consortium a ainsi mené une enquête d’une durée de 16 mois et constituée de plus de 2100 rapports d’activités suspectes transmis à FinCEN par les contrôleurs internes des banques. L’enquête désigne en particulier les banques JPMorgan Chase, HSBC, Standard Chartered, Deutsche Bank et Bank of New York, expliquant notamment que ces entités bancaires ont poursuivi leurs activités relatives au blanchiment d’argent alors même qu’elles avaient déjà fait l’objet de condamnations en ce sens.
Cas spécifiques mis en évidence
L’enquête indique ainsi que JPMorgan Chase a procédé à des transferts d’argent à destination d’entreprises associées au pillage massif de fonds publics au Venezuela, en Malaisie ou en Ukraine. Quant à la Deutsche Bank, elle n’a pas tenu compte des signaux d’alerte qui lui ont été notifiés. Elle a également participé activement à un blanchiment d’argent d’un montant de 230 milliards de dollars.
Transactions suspectes vers les paradis fiscaux
En outre, les « FinCEN Files » révèlent que les banques ont transféré plus de 2000 milliards de paiements entre 1999 et 2017, alors même qu’elles avaient pris la mesure du caractère suspect de ces paiements. De plus, l’enquête a permis de constater la réalisation fréquente de transactions par les banques destinées à des sociétés situées dans des paradis financiers, et ce sans que les banques ne connaissent l’identité du propriétaire final du compte. Pas moins de 20% des rapports analysés étaient ainsi relatifs à un client dont l’adresse était située dans les Iles Vierges Britanniques, au Royaume-Uni, aux États-Unis, à Chypre, à Hong Kong, aux Émirats arabes unis, en Russie ou en Suisse.
Manque d’informations sur les bénéficiaires des transactions
L’enquête dévoile également que dans 50% des rapports analysés, les banques n’avaient aucun élément concernant les personnes à l’origine de la transaction.
Réactions face aux révélations
Réponse de FinCEN
FinCEN s’est quant à lui refusé à tout commentaire, et a annoncé avoir saisi le ministère de la justice américain ainsi que l’inspecteur général du Trésor en vue de faire condamner la divulgation des documents. Selon FinCEN, de tels actes sont susceptibles de représenter un risque pour la sécurité nationale des États-Unis ainsi que pour celle des personnes à l’origine des rapports.
Réactions des banques concernées
Du côté des banques ciblées par les « FinCEN Files », il s’agit principalement de nier les accusations portées à leur encontre et d’affirmer leur volonté de progresser constamment dans la lutte contre le blanchiment d’argent.
Conclusion : le paradoxe du système
D’après le Consortium, les « FinCEN Files » permettent non seulement de mettre en exergue le paradoxe du système selon lequel les banques sont elles-mêmes chargées de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme à l’échelle mondiale tout en s’enrichissant par le biais des activités illégales, mais également de démontrer la manière dont les régimes autoritaires peuvent tirer parti de l’argent blanchi.